vendredi 17 avril 2009

Rwemalika versus Mwiseneza

Dr Emmanuel Mwiseneza,

Vous écrivez ceci :

1. « L'histoire est faite (écrite) par des hommes qui des fois la manipulent, et les lois et le droit qui en découle sont aussi faits par des hommes, ces hommes qui changent et qui peuvent aussi changer les lois et le droit! »

Avec des « si » on peut mettre Paris en bouteille. Pour l’instant, le droit international ne prévoit nulle part que l’addition de deux génocides ethniques peut faire un génocide national. Et apparemment, vu la jurisprudence et la doctrine actuelles, cela n’est pas prêt de changer.

2. « C'est justement ce qui se passera au Rwanda le jour où le génocide des Hutus sera reconnu explicitement, car, à ce moment on parlera sans honte de deux génocides au Rwanda ou de "génocide rwandais" pour garder un terme rentré dans les habitudes, tout en sachant qu'il englobe le génocide des Tutsis et celui des Hutus ».

Et voilà que le serpent se mord encore la queue ! Dites-moi, cher ami, sachant que les Nations Unies utilisent déjà cette expression de « génocide rwandais » et que vous entendez cette expression « comme englobant le génocide des Tutsis et celui des Hutus », comment diable pouvez-vous dire, au futur, que « le jour où le génocide des Hutus sera reconnu explicitement, car, à ce moment on parlera sans honte de deux génocides au Rwanda ou de "génocide rwandais" » ?

Tout cela n’est-il pas la preuve que dans votre entendement, l’expression onusienne de « génocide rwandais » vise un génocide ayant eu lieu au Rwanda mais ayant uniquement visé le groupe ethnique tutsi, au point que vous en êtes maintenant réduit à espérer qu’un jour, l’on puisse parler de « génocide rwandais » englobant aussi les Hutus ?

3. « A quand le génocide polonais ou allemend pour parler du génocide s'étant déroulé en Pologne ou en Allemagne ayant visé un groupe ethnique particulier, celui des Juifs? »

Je voudrais vous signaler, cher ami, que le génocide des juifs n’a pas seulement eu lieu en Allemagne et en Pologne ; il a également eu lieu en France, en Belgique, en Autriche, en Italie, en Tchécoslovaquie etc. Partant, on ne pouvait pas parler de génocide polonais ou allemand. On ne pourrait pas non plus parler de génocide européen en ce sens que ce génocide-là n’a pas eu lieu dans des pays européens comme le Royaume-Uni, l’Espagne ou la Russie.

En outre, les juifs sont un peuple nettement plus connu que les tutsis, de sorte qu’une référence à un « génocide des juifs » suffit à elle-même alors qu’une référence à un « génocide des tutsis », sans indiquer le nom du pays dans lequel le génocide s’est déroulé, peut aboutir au fait que beaucoup de citoyens de ce monde ne comprendraient pas de quel génocide il s’agit et dans quelle partie du monde ce génocide a pu bien avoir eu lieu.

4. « Si la qualification onusienne est très claire, alors pourquoi votre gouvernement a changé le terme consacré par les Nations Unies, à savoir "génocide rwandais" en "génocide des Tutsis"? »

La réponse à votre question est très simple. C’est que depuis quelques années, des révisionnistes rwandais comme vous mènent une bataille acharnée dans le monde pour que par « génocide rwandais », l’on entende un « génocide des hutus et des tutsis organisé et exécuté par le FPR ». Le Gouvernement rwandais a donc voulu mettre les points sur les i car de toutes façons, trop de viande ne gâchent pas la sauce.

5. « Et quand vous me parlez des postes dans l'administration ça me fait vraiment rire (même si c'est triste). Quels postes avec quelles responsabilité s réelles, avec quel "encadrement" et cela sur combien de postes réellement occupés? »

Ici, vous engagez un tout autre débat qui n’a vraiment rien à voir avec le génocide. En tout état de cause, je ne savais vraiment pas qu’obtenir un poste dans l’administration, « encadré » ou pas, était synonyme d’être victime d’un génocide. Ah ! Si seulement les Interahamwe avaient accordé des postes « encadrés » à leurs victimes, au lieu de les massacrer !

6. « Alors pourquoi justement tout cet acharnement à aller chercher les refugiés hutus à des centaines voire à des milliers de Kilomètres? »

Pour les sortir des griffes des génocidaires et pour leur permettre de construire un avenir meilleur, dans leur patrie.

7. « Comment veux-tu que les médias ou des ONG qui ont toujours montré leurs penchants pour le FPR disent autre chose que ce que veut ce FPR? Pensez-vous qu'on ignore la stratégie utilisée pour commettre des crimes et les attribuer aux FDLR? Les dissidences manipulées par le Rwanda, ça vous dit quelque chose? Les militaires rwandais qui changent d'uniformes pour se faire passer pour des militaires du CNDP ça vous dit quelque chose? »

Oh là là ! Quelle mauvaise foi ! Mettons de côté le fait que dans ces organisations qui ont accusé les FDLR figurent la MONUC et des organisations des droits de l’homme qui n’ont jamais été tendre avec le Gouvernement rwandais. Mettons aussi de côté le fait que le Gouvernement de Kinshasa, qui dernièrement n’avait pas de sympathie particulière pour le Gouvernement de Kigali, accuse également les FDLR de massacres sur le population congolaise. Dr Mwiseneza, auriez-vous donc oublié que ces témoignages de massacres sont avant tout l’œuvre de la population congolaise, victime de ces massacres? Ces congolais auraient-ils aussi « toujours montré leurs penchants pour le FPR », au point que lorsque celui-ci les massacre, ils s’empressent de mettre tous ces crimes sur le dos des gentilles FDLR ?

Heureusement que le ridicule ne tue pas !

8. « Ne vous inquiétez pas, on s'y reverra et je vous montrerai des visages hagards, des corps squelettiques, des regards désespérés, des familles détruites, harcelées, humiliées, des gens qui ne peuvent même pas enterrer dignement les leurs, des villages vides de leurs habitats d'avant 1994, et à ce moment-là, nous en reparlerons ».

Dites-moi, cher ami, qu’en savent-vous puisque, si je ne me trompe, vous n’avez plus mis les pieds au Rwanda depuis 1994 ? En outre, pouvez-vous, s’il vous plaît, nous indiquer le nom de ces « villages vides de leurs habitats d'avant 1994 » ? Au demeurant comment diable pouvez-vous le savoir, depuis votre exil champêtre des Vosges ?

9. « On peut tout de même l'estimer, et je suppose que ce pourcentage [de 85% de Hutus] a été drastiquement réduit. Réduit pourquoi? Par les différents massacres, les morts liées à des conditions de vie déplorables dans des camps de fortune (y compris des camps de fortune forcés au Rwanda) »

Quel cynisme ! Dites-moi, cher ami, dans tout ce tableau noir de la « souffrance terrible » des Hutus (j’en ai la larme à l’œil), où donc mettez-vous le million de tutsis massacrés pendant le génocide ? Où donc mettez-vous les nombreux tutsis victimes de leurs blessures et de leurs chagrin après le génocide ? Où donc mettez-vous les tutsis victimes des Abacengezi ? Où donc mettez-vous les nombreuses femmes tutsies, victimes de viol pendant le génocide, et ayant par la suite succombé du Sida ? Où donc mettez-vous les enfants nés de ces femmes, porteur du VIH, et aujourd’hui décédés ? Où donc mettez-vous les femmes violées et qui ne peuvent plus avoir d’enfants ? Où donc mettez-vous les veuves et orphelins tutsis, qui vivent dans des conditions déplorables, et qui sont soit morts, soit des morts-vivants ?

Je pense très sincèrement que le cynisme a des limites, cher Monsieur !

10. « Faites le calcul vous-même sur 100000 personnes qui ne se sont pas reproduites pendant 15 ans, en prenant une moyenne de 5 enfants par famille rwandaise sur 15 ans, et vous me direz, combien d'enfants manquent à l'appel ».

Votre réflexion est à l’envers, cher ami ! Faites le calcul vous-même sur un million de tutsis, victimes de la plupart de ces 100.000 personnes, tutsis qui ne se sont pas reproduits pendant quinze (15) ans, en prenant une moyenne de cinq (5) enfants par famille rwandaise sur quinze (15) ans, et vous me direz, combien d'enfants manquent à l'appel !

Au demeurant, il est très étonnant que vous vouliez à la fois le beurre et l’argent du beurre. Car d’un côté, vous dénoncez que des génocidaires soient en prison (à croire que le génocide s’est commis tout seul) de sorte qu’ils ne peuvent procréer, mais d’un autre côté, lorsque ces génocidaires sont libérés pour des travaux d’intérêt général, et qu’ils peuvent donc procréer, vous dénoncez encore un autre génocide ! Nta munoza, ukunda iki ?

11. « Quant aux travaux forcés, comment diable cela peut-il un acte génocidaire, sachant qu’il s’agit d’un peine consacrée par le droit international et appliquée par de nombreux Etats ? Le monde entier serait-il donc génocidaire ?", Théoneste Rwemalika

Appliquez tout simplement quelques éléments rentrant dans la définition du crime de génocide que je vous remets ci-dessous et vous tirerez les mêmes conclusions que moi.

b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
»

Décidément ! Vous continuez à manifester une profonde incompétence dans ce domaine ! Car les point b) et c), ainsi que tous les autres points de cette définition, doivent être des actes criminels, c'est-à-dire des actes punis par la loi pénale. Or, les travaux d’Intérêt général ne sont pas des actes criminels, puisqu’ils sont des peines prévus par le droit national et consacrés par des conventions internationales.

Car cher ami, un crime nécessite deux (2) éléments nécessaires et complémentaires : un élément matériel et un élément intentionnel (ou moral). Si l’un de ces deux éléments arrive à manquer, on ne pourra jamais parler de crime. Or, à part l’élément intentionnel qui n’a pas besoin d’explications complémentaires, l’élément matériel signifie la violation d’une loi, la commission d’un acte prohibé et puni par la loi. Or, aucune loi pénale, nationale ou internationale, ne punit les travaux forcés. Partant, ceux-ci ne peuvent jamais constituer un crime.

En revanche, les actes visés dans le cadre des points b) et c) de la définition sur le génocide sont entre autres : torturer physiquement ou mentalement tout ou partie des membres du groupe ; stériliser les membres du groupe ; empêcher l’alimentation des membres de ce groupe ; inoculer de maladies incurables ou génétiques aux membres du groupe ou encore inoculer, aux membres du groupe, des substances entraînant des maladies mentales.

12. « Vous ne voyez que ça dans ce passage? L'intention, la préparation, l'éxécution vous ont échappé cher ami! »

Qui vous a dit, cher ami, que « l’intention, la préparation et l'exécution » aboutissent nécessairement à un génocide ? Si vous avez l’intention d’assassiner l’amant de votre femme, si vous préparez et exécutez ce meurtre, pensez-vous sincèrement que vous ayez commis un « génocide de votre femme »?

13. « J'en connais d'autres qui disaient tuer les Tutsis pour débusquer les Inkotanyi qui se cachaient parmi eux! »

A ceci près, cher ami, que tous les camps que vous avez cités (Kibeho, DRC, Gisenyi) étaient des repères d’Interahamwe ou des Abacengezi et que ces génocidaires prenaient effectivement en otage cette population. En revanche, il est extrêmement difficile que des Inkotanyi puissent être cachés dans le corps d’un vieillard ou d’une jeune adolescente connu(e) de la région, au point qu’il ou qu’elle soit massacré(e) sur des barrières ; il est extrêmement difficile que des nourrissons, dans leur berceau, cachent aussi des Inkotanyi.

Au demeurant, je ne savais vraiment pas que les Inkotanyi pouvaient se cacher dans des cartes d’identité et dans les nez des tutsis, parce que c’est apparemment cela qui était d’abord contrôlé par les bourreaux.

Bonne fin de journée.

Rwemalika Théoneste

16 avril 2009

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